Raphaël Schellenberger a déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale une proposition de loi « visant à développer les capacités de production du parc hydraulique français ».
La France dispose d’une énergie puissante, renouvelable, et souveraine : l’hydroélectricité. Totalement neutre en émission de gaz à effet de serre, stockable, pilotable, économe en matières rares, non délocalisable, gratuite, l’eau est de surcroît adaptée à notre réseau électrique existant et permet de grandes ambitions en optimisant les investissements. Le mix français « nucléaire et hydraulique », voulu dès la reconstruction gaulliste de l’après‑guerre a permis à la France d’être indépendante et souveraine sur le plan électrique jusqu’à peu.
Cependant, force est de constater que l’écrasante majorité des efforts financiers consentis par l’État ces dernières années l’ont été pour l’éolien et le photovoltaïque, énergie par nature intermittente, non stockable, diffuse et complexe à mettre en œuvre. Ce sont, de surcroît, des ouvrages majoritairement maîtrisés par des industries étrangères, l’Europe ne possédant aucune filière industrielle pour la fabrication d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques.
En France, il existe différents types d’installations hydroélectriques :
– les installations dites « au fil de l’eau », qui turbinent tout ou partie du débit d’un cours d’eau en continu. Leur capacité de modulation est très faible et leur production dépend du débit des cours d’eau.
– les installations dites par « éclusées », qui disposent d’une petite capacité de stockage, typiquement comprise entre 2 heures et 400 heures de production. Ces installations permettent une modulation journalière ou hebdomadaire de la production en accumulant dans leurs retenues des volumes d’eau qui seront turbinés pendant les pics de consommation.
– les installations dites « centrale de lac » disposant d’une retenue plus importante. Ces installations accumulent des volumes d’eau dans des retenues de taille conséquente nécessitant le plus souvent des barrages de grande taille, généralement à l’aval des moyennes et hautes montagnes. Ces installations permettent de diminuer l’exposition aux conditions hydrologiques.
– les « stations de transfert d’énergie par pompage » ou STEP, utilisées pour le stockage de l’énergie électrique : ces installations permettent de pomper pendant les périodes de moindre consommation d’électricité vers un réservoir haut des volumes d’eau pour les turbiner pendant les pics de consommation.
Au total, sont installés 25,7 GW en France, puissance qui représente environ 20 % de la puissance électrique totale installée, ce qui en fait la deuxième source de production électrique derrière le nucléaire.
La simple rénovation de nos barrages existants, dans lesquels les investissements sont en attente faute d’accord au niveau européen, permettrait à cette énergie de gagner 5 % de production supplémentaire, soit une demi‑tranche de centrale nucléaire. C’est ce qu’a notamment confirmé récemment Bruno Bensasson (Président Directeur‑Général d’EDF Renouvelables), lors de son audition du 12 janvier 2023 dans le cadre de la Commission d’enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France : « Des autorisations pour de telles modifications ont donc été déposées, pour quelques centaines de mégawatts dans un parc de 20 gigawatts. Pour aller plus loin, beaucoup de projets pourraient être menés avec des modifications substantielles. De l’ordre de 3 à 5 gigawatts supplémentaires est possible dans la décennie à venir. »
Le potentiel de développement de nouveaux ouvrages hydroélectriques est également évalué : il permettrait de gagner près de 15 % de capacité de production soit près de 2 tranches nucléaires, ce qui est majeur.
De fait, pour augmenter nos capacités de production de la filière hydraulique, il est impératif d’effectuer les travaux de maintenance, de modernisation et de développement de notre parc hydroélectrique. Ainsi et à titre d’exemple, le chantier de Romanche‑Gavet en Isère a permis un gain de productivité de 40 % par rapport aux installations précédemment en place sur le cours d’eau.
Les enjeux environnementaux, d’aménagement du territoire, de sécurité d’approvisionnement pour les usages domestiques, agricoles, industriels et de navigation, font de notre parc hydroélectrique un bien précieux. Nous avons besoin de reprendre la main sur cette ressource, conformément à notre histoire nationale, en faveur de notre indépendance et notre compétitivité. L’explosion des prix de l’énergie – engendrée par la décision de fermeture de nos capacités de production issues de la filière nucléaire et thermique – nous conduit désormais à prendre des décisions répondant à nos objectifs d’indépendance énergétique et de compétitivité, comme le 3° de l’article 100‑1 du code de l’énergie nous oblige à maintenir « un prix de l’énergie compétitif et attractif au plan international et permet de maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs ».
Aussi et conformément au 3° de l’article L. 100‑4 du code susmentionné, la politique nationale énergétique a notamment pour objectif « de réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012, en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune. Dans cette perspective, il est mis fin en priorité à l’usage des énergies fossiles les plus émettrices de gaz à effet de serre ». Partant de ces objectifs, l’énergie produite par nos barrages hydrauliques est un atout considérable et une solution d’avenir.
Cette proposition de loi vise donc à développer nos capacités de production du parc hydraulique français pour répondre aux enjeux de souveraineté, de compétitivité et d’indépendance énergétique. Développer l’hydroélectricité, c’est aussi permettre à la France de répondre à ses objectifs de décarbonation de nos besoins quotidiens et industriels.
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