Pouvoir se nourrir chaque jour est un privilège en France. Ce n’est pas le cas pour plus de 700 millions de personnes dans le monde. Cette réalité dramatique nous rappelle combien la souveraineté alimentaire n’est pas un acquis définitif : elle est une responsabilité stratégique.
Depuis toujours, les civilisations se sont construites grâce à la maîtrise de l’eau. Aucune agriculture, aucune prospérité durable n’a jamais été possible sans un accès sécurisé à cette ressource vitale. C’est cette réalité historique et universelle qui doit continuer à guider nos décisions, à l’heure où le dérèglement climatique menace nos équilibres les plus fondamentaux.
Pourtant, notre agriculture est aujourd’hui en perte de vitesse, fragilisée par l’érosion de sa compétitivité. Ce recul n’est pas le fruit du hasard, mais de l’accumulation de normes, d’injonctions contradictoires et de surtranspositions françaises qui freinent les agriculteurs dans leur travail quotidien.
Face à une crise agricole inédite, marquée par une mobilisation massive à travers l’Europe, cette proposition de loi s’inscrit dans une démarche de réponse concrète.
Ce texte n’est pas une loi du grand soir, mais une série de corrections ciblées de blocages identifiés depuis longtemps.
Il s’agit de lever certains irritants réglementaires, de repositionner la France dans le cadre européen et mondial, de mettre en place des mesures d’adaptation au réchauffement climatique, et de le faire sans renoncer à notre stratégie de respect de l’environnement. Ce pragmatisme est nécessaire si nous voulons renforcer notre souveraineté alimentaire tout en demeurant à la hauteur des enjeux climatiques.
Je regrette vivement que ce texte n’ait pas pu faire l’objet d’un véritable débat en séance publique à l’Assemblée nationale. Une discussion de fond aurait permis de confronter les visions et d’amender le texte en transparence.
Cependant, ce texte contient des mesures cruciales pour l’avenir de l’agriculture française sous toutes ses formes, mais aussi pour la gestion responsable de nos ressources naturelles, à commencer par l’eau. Particulièrement attentif à la question de l’acétamipride sur laquelle se sont cristallisés les débats, je salue les avancées obtenues en commission mixte paritaire (CMP), grâce au travail exigeant mené par mon collègue Julien Dive.
La disposition relative à l’acétamipride mérite une clarification. Contrairement à ce qui a pu être affirmé, l’interdiction de cet insecticide reste en vigueur en France.
Le texte adopté prévoit non pas sa réintroduction d’office, mais instaure un régime de dérogation exceptionnel, strictement encadré, limité dans le temps et réservé aux situations d’impasse technique avérée. L’usage de l’acétamipride ne sera autorisé que sous contrôle d’un comité de surveillance, conditionné à l’existence d’un plan de recherche sur les alternatives, et avec une clause de revoyure dans un délai de trois ans, puis chaque année.
Cette mesure permet de répondre à des cas isolés, comme par exemple les filières de la noisette ou de la betterave sucrière, aujourd’hui sans solution face à certains ravageurs, tout en évitant une distorsion de concurrence préjudiciable pour nos producteurs. Interdire totalement une molécule encore autorisée en Europe jusqu’en 2033, sans alternative disponible, ne protège ni nos agriculteurs, ni nos consommateurs, qui restent exposés à des importations de produits traités hors de nos normes.
Par ailleurs, réduire ce texte à cette seule question serait profondément réducteur.
D’autres mesures, décisives pour l’avenir de notre agriculture, sont intégrées à cette loi. Je pense notamment à la reconnaissance de l’intérêt public majeur de certains ouvrages de stockage d’eau dans les zones en déficit hydrique, à la protection renforcée des zones humides, à la préservation de l’indépendance de l’ANSES, au maintien de l’interdiction des remises sur les produits phytosanitaires pour poursuivre la réduction des usages, ou encore à la séparation des fonctions de conseil et de vente pour prévenir tout conflit d’intérêt.
J’ai voté en faveur de ce texte car il constitue un progrès concret pour nos agriculteurs et des avancées indispensables sur la ressource en eau.
Cette loi repose sur une logique de confiance et de responsabilité, pour redonner aux femmes et aux hommes de la terre les moyens d’assurer la souveraineté alimentaire de la France.
J’ai donc choisi de soutenir ce texte, en restant vigilant à sa mise en œuvre et je suis déterminé à accompagner les transitions nécessaires pour guider le pays vers la suppression progressive et définitive de tout usage de produits phytosanitaires.
Raphaël SCHELLENBERGER
Député du Haut-Rhin | Conseiller d’Alsace
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